Il y a quelques années,
quand j'habitais encore là bas, un riche promoteur
pakistanais a eu l'idée de faire construire un plazza,
sorte de centre commercial sur trois étages en fer à
cheval avec une centaine de boutique environ.

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Il
a fait virer quelques commerçants en leur
promettant une place dans le futur plazza
et a construit sont truc. Quand ça a été fait,
ça n'a pas eu l'effet qu'il espérait, parce qu'il
y a tellement de monde que c'est pas si facile
d'accéder au plazza.
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En effet, la route (ou plutôt
" le chemin " à
l'époque ) qui passait devant était surchargé de
toutes sortes de commerces mobiles ou immobiles.
Les gens, qui au début avaient juste pris l'habitude
de se mettre à un endroit précis avec leur karatchi,
ont, petit à petit, construit des cabanes en planches. C'était
un vrai labyrinthe : ça faisait un peu bidonville.
Mais
moi, j'aimais bien. Tu trouvais tout ce que tu
voulais. Bien sûr, tout ça ne faisait pas les
affaires du Pakos qui avait du mal à
fourguer ses boutiques régulièrement et au plus
cher. Les flics venaient faire des razias,
pour essayer de virer les gens du chemin, mais :
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personne
n'a la force des pauvres
(proverbe afghan)
zour
é gharib, kas na darad
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Un soir, alors que
les derniers restaurants avaient fermé, un feu s'est déclaré.
Comme tout était en bois, ça s'est rapidement
propagé, et en moins d'un quart d'heure, c'était
devenu un vaste brasier.

les quelques commercants qui
habitaient le quartier et qui avaient pu se rendre sur
place, s'arrachaient les cheveux et, ne pouvant
emmener les marchandises de leur boutique, les
distribuaient sur place aux gens qui étaient venus
voir. On avait cassé les cadenas et chacun récupérait
ce qui pouvait encore être sauvé.

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des
années de labeur et de privation partaient
en fumée.
Beaucoup avaient commencé avec presque rien et
tout ce dont ils diposaient se résumait à
l'intérieur de leur boutique en train de flamber...
C'était malheureux et catastrophique ! Les
pompiers, pourtant prévenus dès les premières
minutes arrivèrent deux heures après, alors qu'un
quart d'heure leur aurait suffit, mais nous
sommes au Pakistan et Board est un bazar afghan...
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Ils sont arrivés toutes
sirènes hurlantes pour refroidir les cendres...
Tout avait brulé ! Personne n'a
pu prouver l'origine de l'incendie.
Le lendemain, les journaux parlaient d'incendie
accidentel dû à un court-circuit électrique mais
personne n'était dupe : c'était là un incendie
criminel et on n'a pas eu besoin de bien chercher pour
comprendre à qui cela pouvait profiter.
Dès le lendemain, un gros buldozer et un tractopelle
encadrés par quatre bus de flics pakos ont commencé à
faire place nette. Il y a eu de la bagarre et un paquet
de gens se sont fait embarquer à coups de bâton dans
les côtes...
Le bul a rectifié la route en tirant bien droit, le long
des constructions en dur. Ceux qui avaient des auvents
devaient les démonter manumilitari et il y avait des
dizaines de personnes sur les toits avec des
chalumeaux, et marteau-burin pour rectifier la ligne
droite verticale imposée par les flics.
Au début, les flics se sont ramassés des pierres, mais
chaque fois, ils embarquaient quelques personnes
qu'ils pouvaient attraper même si ces derniers n'avaient
rien fait, par représaille. Il y en
avait qui pleuraient en énumérant ce quils avaient
perdu. Et tous les jours, les flics sont revenus pour être
certains que personne ne se réinstalle là.
La route devait être dégagée.
Seuls, les petits vendeurs de cigarettes ou de bolani qui
tiennent leur panier un peu comme les ouvreuses de cinema,
pouvaient se balader.
Plus tard, on a goudronné la route du côté du plazza
bien sûr, pas de l'autre côté !
Et ceux qui avaient les moyens n'ont eu d'autre solution
que de louer une boutique au proprietaire du plazza... Les autres
on reprit à zéro avec un karatchi de fruits ou légumes.
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