musique de fond : 3lahezbWedad (Abdel Alim Afez)

 

LE BAZAR DE BOARD

C'est le bazar des pauvres de Peshawar ou plutot le bazar populaire.
Typiquement afghan, ce bazar n'existe que depuis que les afghans sont arrivés au Pakistan. Au début, il y avait juste un canal dans lequel les gosses se baignait en été. 

Description de Board

De part et d'autre, il y a une route avec des boutiques tout le long,
ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir une boutique ont une charette où ils posent ce qu'ils ont à vendre. C'est noir de monde.
Une bonne partie de la journée, il y a plein de restos, de nan-bay (boulangeries), d'épiceries, de changeurs, des billards ou des jeux videos, de marchand de tissus, et toutes sortes de marchands divers et variés... des bouchers, des mendiants, des charettes (karatchi) où l'on vend des légumes, fruits, biscuits, cassettes, petits trucs à bouffer sur place etc ...
Tous les commercants sont Afghans et tous les clients aussi .

Tentative de destruction de Board

Il y a quelques années, quand j'habitais encore là bas, un riche promoteur pakistanais a eu l'idée de faire construire un plazza, sorte de centre commercial sur trois étages en fer à cheval avec une centaine de boutique environ.

Il a fait virer quelques commerçants en leur promettant une place dans  le futur plazza et a construit sont truc. Quand ça a été fait, ça n'a pas eu l'effet qu'il espérait, parce qu'il y a tellement de monde que c'est pas si facile  d'accéder au plazza.

En effet, la route (ou plutôt " le chemin " à l'époque ) qui passait devant  était surchargé de toutes sortes de commerces mobiles ou immobiles.
Les gens, qui au début avaient juste  pris l'habitude de se mettre à un endroit précis avec leur karatchi, ont, petit à petit, construit des cabanes en planches. C'était un vrai labyrinthe : ça faisait un peu  bidonville.

Mais moi, j'aimais bien. Tu trouvais tout ce que tu voulais. Bien sûr, tout ça ne faisait pas les affaires du Pakos  qui avait du mal à fourguer ses boutiques régulièrement et au plus cher. Les flics venaient  faire des razias, pour essayer de virer les gens du chemin, mais :

personne n'a la force des pauvres
(proverbe afghan)
zour é gharib, kas na darad

Un soir, alors  que les derniers restaurants avaient fermé, un feu s'est déclaré.
Comme tout était en bois, ça  s'est rapidement propagé, et en moins d'un quart  d'heure, c'était devenu un vaste brasier.

les quelques commercants qui habitaient le quartier et qui avaient pu se rendre sur place,   s'arrachaient les cheveux et, ne pouvant  emmener les marchandises de leur boutique, les distribuaient sur place aux gens  qui étaient venus voir. On avait cassé les cadenas et chacun récupérait ce qui pouvait encore être sauvé.

des années de labeur et de privation  partaient en fumée.
Beaucoup avaient commencé avec presque rien et tout ce dont ils diposaient se résumait  à l'intérieur de leur boutique en train de flamber...
C'était malheureux et catastrophique ! Les pompiers, pourtant prévenus dès les premières minutes arrivèrent deux heures après, alors qu'un quart d'heure leur aurait suffit, mais nous sommes au Pakistan et Board est un bazar afghan...

Ils sont arrivés toutes sirènes hurlantes pour refroidir les cendres...
Tout avait brulé !
Personne n'a pu prouver l'origine de l'incendie.
Le lendemain, les journaux parlaient d'incendie accidentel dû à un court-circuit électrique
mais personne n'était dupe : c'était là un incendie criminel et on n'a pas eu besoin de bien chercher pour comprendre à qui cela pouvait profiter.
Dès le lendemain, un gros buldozer et un tractopelle encadrés par quatre bus de flics pakos ont commencé à faire place nette. Il y a eu de la bagarre et un paquet de gens se sont fait embarquer à coups de bâton dans les côtes...
Le bul a rectifié la route en tirant bien droit, le long des constructions en dur. Ceux qui avaient des auvents devaient les démonter manumilitari et il y avait des dizaines de personnes sur les toits  avec des chalumeaux, et marteau-burin pour rectifier la ligne droite  verticale imposée par les flics.
Au début, les flics se sont ramassés des pierres, mais chaque fois, ils embarquaient  quelques personnes  qu'ils pouvaient attraper même si ces derniers n'avaient rien fait, par représaille.
Il y en avait qui pleuraient en énumérant ce quils avaient perdu. Et tous les jours, les flics sont revenus pour être certains que personne ne se réinstalle là.
La route devait être dégagée.
Seuls, les petits vendeurs de cigarettes ou de bolani qui tiennent leur panier un peu comme les ouvreuses de cinema, pouvaient se balader.
Plus tard, on a goudronné la route du côté du plazza bien sûr, pas de l'autre côté !
Et ceux qui avaient les moyens n'ont eu d'autre solution que de louer une boutique au proprietaire du plazza...
Les autres on reprit à zéro avec un karatchi de fruits ou légumes.

Aujour d'hui, Board  n'a plus l'activité qu'on lui a connue. Les autorités pakos ont réservé une espèce d'enclos pour les karatchi, à deux cent mètres de là,  avec obligation de remballer tous les soirs.